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Des Branches
26 juin 2014

V comme Veillée

La saison des récoltes est passée, celles des vendanges aussi. La terre se repose et nous aussi. Heureusement cette année les greniers sont suffisament garnis. Il n'y aura pas besoin pour mon père de prendre la route pour ramener d'autres ressources à la maison. L'hiver point et le travail des champs est réduit à son strict minimum. Aujourd"hui mon père et mes oncles ont commencé à inspecter les outils et à les réparer, faux, serpes, ils ont changé le mache des pelles abîmées.

Le jour se couche tôt, mais cette année j'ai le droit de participer aux veillées. Ce soir c'est à la maison que cela se passe, autour de la cheminée mon oncle et sa femme, mon deuxième oncle, ma tante, son mari et leurs trois enfants, les Danduran, les Papon, les Auriacombe sont là aussi, ceux du hameau. Le père est installé en tailleur à même le sol, il a son panier entre les jambes, il continue de le faire monter, l'osier devient magique sous ses doigts. Mon oncle et les Danduran font de l'énoisage, ils cassent les noix et préparent les cerneaux qui permettront de faire l'huile. La mère et Jeanne, ma tante par alliance apprennent à ma soeur et mes cousines à faire du crochet. Mon oncle Claude, le mari de Jeanne reprise les chaussettes de travail. Cela parle un peu, en patois. C'est Jacques Auriacombe qui a amené les châtaignes et qui les fait griller. Grand-mère attise le feu de son banc dans la cheminée... je suis dans un coin avec Antoine mon cousin, bien calés ni trop près ni trop loin de l'âtre, nous avons les yeux qui brillent comme la braise que remue l'aïeule.

La pression d'une année de labeur et de crainte de ne pas avoir assez dans le garde manger pour arriver à carême est retombée. La quiétude est pour une fois installée, personne ne se dira je t'aime, mais nous sommes heureux d'être ensemble et nous partageons ce bonheur simple. Grand-père tousse... Avec Pierre Papon ils vont commencer à raconter... Pépé, ce sont les histoires de loups qu'il projette dans la salle, cela me fait froid dans le dos et chaud partout en même temps. Pierre l'ancien lui connaît toutes les histoires des coups des gars du village quand ils ont ridiculisé ceux du clocher d'en bas, où quand ils ont récupéré leurs vaches chez les rivaux par delà la Cère. Cela finira par les contes ancestraux à celui qui racontera l'histoire qui remonte le plus loin. C'est un jeu pour rire, ils connaissent les mêmes depuis le temps qu'ils narrent à deux voix. J'aime la voix de rocaille de Pépé, Pierre Papon a une voix de stentor qui porte loin, même lorsqu'il chuchote. Quand il est sur une charpente et qu'il parle on l'entend à une demi lieue, alors là dans la semi pénombre aux seules lueurs des flammes elle roule comme le tonnerre quand il insiste sur les ruses de son aïeul.

Un jour peut être autour de la soupe ou en croquant des châtaignes c'est à mes lèvres que sera suspendue la communauté qui voudra repousser l'heure de se coucher pour connaître la fin de mon récit.

 

Lo veliädo (la veillée en Limousin) sur Chabatz d'entrar, le blog.

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Commentaires
C
Merci beaucoup, flatté ! D'autant plus de la part d'une narratrice comme toi.
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M
Superbe ! Bravo !
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